Votre rôle afin de créer un milieu physiothérapeutique sécuritaire pour la population trans
Voici un article que je trouve très intéressant et que je vous partage dans son texte intégral. Pourquoi parce que l'on parle peut des milieux de soins. L'organisme Trans Mauricie/Centre-du-Québec travail fort pour approcher les milieux de la santé pour informer, démystifier et former les spécialistes de la santé aux réalités trans.
Cette article tombe dans le ton. Bonne lecture
Katherine Harman, pht., Ph. D., professeure agrégée, physiothérapie,
vice-présidente au sénat (affaires étudiantes), université Dalhousie,
membre de l’ACP depuis 1981, et Greyson Jones, université Dalhousie
étudiant des cycles supérieurs, sociologie et anthropologie
Si vous regardez autour de vous, vous serez peut-être surpris de la dominance de la binarité de genre dans la société... elle est partout dans la signalisation, la langue, les publications, notre monde physique... Les gens sont définis comme roses ou bleus, hommes ou femmes. Le milieu sportif est (presque) entièrement construit de cette façon, et le milieu de la santé n’est assurément pas différent. Pensez aux formulaires que vos patients remplissent, aux questions que vous posez pendant l’entrevue de premier contact... Notre monde est structuré de cette façon. Dans le présent article, nous utilisons une étude de cas pour camper camper certains enjeux à envisager en milieu clinique. Leslie, une étudiante universitaire de 22 ans, est orientée vers la clinique de physiothérapie pour faire évaluer et soigner les douleurs cervicales dont elle souffre depuis quatre mois. Dans votre entrevue initiale, vous remarquez que Leslie semble très raide, qu’elle ne bouge presque pas la tête, arrondit les épaules et adopte une posture protectrice. Leslie porte des vêtements amples, a une expression tendue et douloureuse et évite les contacts visuels. Vous pensez : « Tout ça pourrait s’expliquer par une entorse cervicale relativement simple. »Vous apprenez que Leslie étudie beaucoup, qu’elle termine un diplôme de premier cycle en neurosciences et qu’elle éprouve de la difficulté à étudier à cause de ses douleurs cervicales. Elle doit prendredes médicaments pour soulager sa douleur et étudier plus longtemps. Leslie prend également un autre médicament : de la testostérone. Aucun autre problème de santé n’est indiqué au dossier. Vous remarquez aussi d’autres détails susceptibles de vous intéresser: acné importante, mouvements répétés pour se cacher les poignets et les mains avec les
manches et semi-agitation. Vous pensez : « Le stress des études peut expliquer son anxiété. Elle a peut-être une entorse cervicale relativement simple qui s’améliorera par quelques traitements passifs, des étirements et une revue des postures et des habitudes d’étude. »
Vous demandez à Leslie de retirer son chandail pour lui examiner le cou. Leslie refuse et se prépare à partir, mettant un terme à la rencontre... Les personnes transgenres mettent souvent fin à un rendez-vous lorsqu’elles se sentent mal à l’aise avec le professionnel de la santé. Leur départ peut déboucher sur une rupture avec le système et les priver de services
dont elles ont besoin, ce qui entraînera des maladies non diagnostiquées et des affections
douloureuses et non traitées. Définitions et historique L’illustration de la Genderbread person (Killerman et Bolger, 2015) présente certains aspects essentiels du sexe et du genre. L’identité de genre (le genre auquel une personne s’identifie) et l’expression de genre (la manière dont une personne se présente) sont deux choses différentes. De plus, la masculinité et la féminité ne figurent pas aux deux extrémités d’un spectre « du sexe ». Ce sont plutôt deux entités différentes, et une personne peut cumuler des aspects des deux. Cette imagedémontre que l’identité et l’expression de genre diffèrent également de l’orientation sexuelle (attirance). Ce n’est pas toujours évident au premier abord, mais le profond désir de devenir l’autre genre émane de l’identité personnelle, et non de la sexualité. (Breger, 2005)

D’après les critères diagnostiques classiques, les personnes qui s’identifient comme transgenres ressentent un décalage, une dissociation entre le sexe qui leur est assigné à la naissance et leur identité de genre. En général, les médecins déterminent le sexe à la naissance par l’aspect des organes génitaux externes, ce qui prédit leur socialisation. Cependant, intérieurement, les gens s’identifient au genre masculin, au genre féminin ou à un genre situé ailleurs sur le spectre (ou « queer »). Leslie est étudiante en milieu universitaire. Les personnes d’âge universitaire sont plus susceptibles d’être en transition que tout autre groupe d’âge, en raison de facteurs liés au développement. Pour les jeunes de genre conforme ou non conforme, l’identité de genre se manifeste généralement pendant la petite enfance. Cette identité évolue de l’enfance à l'adolescence, puis à l'âge adulte, pas toujours de manière prévisible. Par exemple, un enfant de genre non conforme ou qui présente une dysphorie de genre peut ou non s’identifiercomme transgenre à l’adolescence. Cependant, si la dysphorie de genre se poursuit à l’âge adulte, il est probable que cette personne ait vécu différentes formes de transition sociale, telles que l’adaptation d’un autre nom ou la modification de son style vestimentaire. (Guss et coll., 2015) La chirurgie d’affirmation de genre est une intervention irréversible qui est considérée comme la dernière phase de la transition médicale de genre. Le moment de l’intervention peut être difficile à fixer à l’adolescence, car le patient doit atteindre ses 18 ans.
Pour Leslie, les hormones masculinisantes peuvent expliquer l’acné importante. Il faut également songer au fait que certaines phases de la transition médicale sont remboursées par l'assurance maladie, mais que plusieurs ne le sont pas. Votre patiente prend peut-être de la testostérone achetée dans la rue, sur internet ou porte peut-être un bandage ou un binder qui peut causer des dommages corporels.
Les données de prévalence selon les évaluations récentes, jusqu’à un adulte sur 200 peut être trans (transgenre, transsexuel ou en transition). Au Canada, c’est environ 720 000 personnes. Un sondage auprès de trans ontariens a révélé que :
• 30 % vivaient dans le genre de leur naissance;
• 23 % vivaient dans le genre qu’elles ressentaient (59 % s’étaient identifiées
comme trans au cours des quatre années
précédentes);
• 42 % prenaient des hormones. (Scheim et Bauer, 2015)
D’après le Canadian Trans Youth Health Report, près de la moitié des jeunes trans se rendaient dans des cliniques sans rendez-vous pour se faire soigner, et les services d’urgence répondaient également à une grande partie de leurs besoins de santé (Veale et coll., 2015). La physiothérapie est un service de première ligne. Cet accès direct peut favoriser nos services pour les personnes trans.
Les obstacles aux soins
2014) Les personnes trans sont nombreuseslnérables, de multiples études ont démontré une forte prévalence (20 % à 70 %) d’importante discrimination dans le milieu de la santé. Il y a eu des cas déclarés de professionnels de la santé qui ont refusé de traiter ou de toucher le patient, qui ontutilisé des précautions excessives, un langage dur ou violent ou qui ont blâmé le patient pour son état de santé. (Ellin, 2016; Lambda Legal, 2010; Veale et coll.,2015; Bauer et coll., 2014) Les personnes trans sont nombreuses à mettre fin à leur consultation avant d’avoir reçu le traitement dont elles ont besoin, à éviter complètement le bureau du médecin, à reporter les soins et à retarder ou éviter les soins préventifs en raison de leurs expériences antérieures avec des médecins. (Veale et coll., 2015; Bauer et coll., 2014) Dans un récent article du British Medical Journal, un psychiatre consultant de la CharingCross Gender Identity Clinic a décrié ses collègues. Le docteur Barrett a expliqué que la prescription d’hormones du sexe opposé est efficace pour le traitement de la dysphorie de genre, mais que de nombreux collègues refusent de remettre des prescriptions. Il relate
leurs explications : « crainte de leur danger (il n’y en a pas), difficile (ça ne l’est pas), cher (pas
particulièrement) », ou même « convictions chrétiennes profondément ancrées » ou « nous
sommes formés pour traiter des maladies, et non pour changer la nature. » p. 1694 (Barrett,
2016). Leslie peut avoir rencontré ces obstacles, car les douleurs cervicales persistent depuis
longtemps (quatre mois).
La santé mentale
En cas de dysphorie de genre, qui représente une partie importante de l'expérience transgenre, on évalue que de 60 % à 62 % des personnes trans souffrent de dépression, ce
qui n’est pas surprenant. (Rotondi et coll.,2011a; Rotondi et coll., 2011b) Les expériences
sociales des jeunes trans y contribuent probablement aussi, car selon les études, il y a plus d’intimidation et de batailles physiques que chez les élèves non trans. La peur d’être
blessé ou dérangé à l’école, de rater l’école et d’abandonner prédomine également. (Veale
et coll., 2015; Guss et coll., 2015) La dysphorie de genre peut également s’associer à des
problèmes de santé mentale plus graves :plus de 50 % s’automutilent sans vouloir mourir, de 65 % à 75 % envisagent le suicide, de 22 % à 43 % font une tentative de suicide et 10 % ont essayé de se suicider au moins quatre fois (Veale et coll., 2015; Bauer et coll.,
2014). L’agitation de Leslie et le fait qu’elle tire constamment sur ses manches longues peuvent couvrir des traces d’automutilation. Vous avez mis Leslie assez à l’aise pour poursuivre l’examen... Leslie vous indique qu’elle ne veut pas vous montrer son corps au-dessous du cou. Vous lui donnez une camisole, et lorsque vous revenez dans la pièce, Leslie l’a serrée autour d’elle. Elle porte un bandage. Que devriez-vous savoir à ce sujet?
Les bandages
Il existe de nombreux types de bandages, qu’on peut se procurer dans Internet ou dans des
des magasins ou sur des sites internet spécialisés pour personne transgenre. Le port du bandage peut être utile en cas de dysphorie de genre, mais ce n’est pas sans risque. De nombreux jeunes utilisent des matériaux moins coûteux au potentiel dommageable, tels que les bandages élastiques et le ruban adhésif entoilé. Dans un effort pour se présenter de manière convaincante et constante, ils ignorent souvent la limite de huit heures recommandée pour porter le bandage. De plus, de nombreux hommes trans ne subissent jamais d’opération du haut du corps (réduction mammaire) et portent un bandage pendant des années. En l’absence de recherches sur les répercussions des bandages, nous nous tournons vers des témoignages dans des blogues et des sites comme Wenus. Une
compression prolongée du tour de poitrine est douloureuse et a d’autres effets importants sur la santé. Les bandages ont des conséquences musculosquelettiques et cardiovasculaires, qui incluent des contusions et des fractures des côtes, une costochondrite, des douleurs à la
colonne vertébrale, une atrophie musculaire, une infection, une pneumonie, un collapsus des poumons, une mauvaise circulation sanguine, un essoufflement, des cloques et des
saignements. Pendant ses études sur le campus, Leslie porte un bandage et passe de longues heures assise. Le bandage peut contribuer à ses douleurs cervicales. L’une de nos premières réflexions serait de recommander d’arrêter de le porter. Si Leslie suit ce conseil, elle risque de ne plus aller à l’école, de ne plus quitter son appartement ni voir sa famille ou ses amis. Si nous posons un jugement (sur la pratique du bandage), Leslie ne demandera plus de services de physiothérapie. Si vous comprenez mieux la pratique et les conséquences possibles du bandage sur la santé, vous serez mieux en mesure de fournir de l’information utile et de bien éduquer le patient.

La première rencontre donne le ton : « Bonjour, je m’appelle Katherine Harman. Je préfère
qu’on m’appelle Katherine. Comment voulez-vous que je m’adresse à vous? »
En raison du dossier médical et de la facturation, le nom de naissance figure dans le dossier, mais la personne préfère peut-être un autre nom. Les noms sont très personnels, et c’est par eux que l’on reconnaît l’individualité de chacun. Chez les personnes trans, les noms peuvent changer fréquemment, tout comme le reflet extérieur (expression) du genre qu’elles ressentent. Soyez à l’écoute et informez-vous de la manière dont la personne veut être appelée. Si vous voulez créer un lieu sécuritaire pour vos patients trans, vous devez dépasser la simple confiance. De nombreuses cliniques de physiothérapie sont de petite dimension, ont peu d’espace pour respecter la vie privée, et lesphysiothérapeutes ont une grande habitude du travail physique avec le corps. Cependant, une personne qui présente une dysphorie de genre peut être mal dans son corps et plus sensible que d’autres au toucher et à la nudité. Si vous demandez à Leslie l’autorisation de la toucher, expliquez-lui ce qui arrivera et soyez plus attentif qu’à l’habitude à ses réactions. Vous accroîtrez sa confiance en elle et pourrez effectuer une bonne évaluation.
L’environnement peut également accroître les sentiments de sécurité. Selon, les jeunes trans, les toilettes et les vestiaires font partie des lieux les moins sécuritaires, (Veale et coll.,
2015) c’est-à-dire les lieux où ils se changent et qui sont définis par le genre. De nos jours,
il y a toutefois plus de toilettes mixtes dans les lieux publics. Dans votre lieu de travail,
pouvez-vous changer quelque chose à la disposition des toilettes, des vestiaires ou des
salles d’évaluation individuelles? Katherine a apposé une affiche Dal Ally sur la porte
de son bureau, pour démontrer qu’il s’agit d’un lieu sécuritaire. Elle y a également fait
poser une fenêtre. Ainsi, même si la porte est fermée pour discuter de questions difficiles, un comportement inapproprié serait visible de l’extérieur. L’arc-en-ciel est un symbole réputé pour la communauté LGBTQ (le « T » désigne les transgenres). Que pourriez-vous faire dans votre clinique ou dans la commercialisation de vos services pour démontrer votre accueil?
Que faire du bandage, vous demandez-vous? Aucune étude ne porte sur le sujet.
Mes réflexions comprennent : conseiller de les enlever le plus souvent possible, effectuer
des exercices du haut du corps et du cou (amplitude de mouvements, flexibilité et force,
particulièrement pour corriger la posture adoptée lors du port du bandage), exécuter
des exercices de force et de mobilité du thorax et porter attention à la santé de la peau. J’en
oublie probablement.
Ça fait beaucoup de choses à penser! Un homme trans a pris lui-même des mesures
pour se créer un espace sécuritaire. En effet, lorsque Rafi Daugherty s’est rendu à l’hôpital
pour la naissance de son premier enfant, il voulait que le personnel de l’hôpital soit prêt
à ce qu’il était sur le point de voir : un homme en travail. Il a donc apposé une affiche sur la porte de la salle d’accouchement : « Je suis un homme transgenre célibataire en train
d’accoucher de mon premier bébé, a-t-il écrit. Je souhaite qu’on s’adresse à moi au masculin. Le bébé m’appellera “Abba” (mot hébreu pour dire pour père). » (Birkner, 2016)
Katherine est professeure agrégée à l’université Dalhousie et membre de
Dal Ally (cet organisme a été créé pour soutenir les élèves, le personnel et les
professeurs de la communauté arc-en-ciel en encourageant le respect et la diversité.
www.dal.ca/campus_life/student_services/health-and-wellness/lgbtq.html).
Greyson est un homme transgenre, un étudiant des cycles supérieurs, un
défenseur de la santé des transgenres et un blogueur actif qui gère le site Wener sur
Tumblr.com, où environ 12 000 personnes discutent de questions liées aux trans.
Si vous voulez créer un lieu sécuritaire pour vos patients trans, vous devez dépasser
la simple confiance. De nombreuses cliniques de physiothérapie sont de petite
dimension, ont peu d’espace pour respecter la vie privée, et les physiothérapeutes ont
une grande habitude du travail physique avec le corps.